Taxe d’améliorations locales facturée par erreur pendant 15 ans : le citoyen obtient le remboursement intégral

Ombudsman de Montréal - améliorations locales Le Rapport annuel 2015 de l’Ombudsman de Montréal (OdM) est officiellement déposé, cette semaine. Pour souligner l’occasion, nous vous présentons un des dossiers qui y est mentionné.

Une erreur de taxation

Pendant 15 ans, la Ville a facturé par erreur une taxe d’améliorations locales à un citoyen.

Les améliorations locales sont des travaux d’infrastructures qui permettent de mettre en valeur ou de développer un secteur de la Ville. Ces travaux peuvent concerner les aqueducs, les égouts, le pavage des rues ou des ruelles, les bordures de rues, les trottoirs et l’installation de lampadaires.

Pour rembourser les emprunts contractés pour financer ces travaux, la Ville impose aux propriétaires riverains de la rue concernée une taxe d’améliorations locales, pendant plusieurs années.

Mise en contexte

La propriété du citoyen est sur un coin de rue : il est donc « riverain » de deux rues. Des travaux d’améliorations locales ont été effectués sur chacune de « ses » rues, à des périodes différentes. La Ville lui a imposé une taxe d’améliorations locales pour les travaux sur la première rue, puis une deuxième taxe, pour les travaux réalisés sur la deuxième rue.

Une Résolution du Conseil municipal prévoit, cependant, depuis plusieurs années, que les propriétés situées à une intersection ne doivent se voir imposer qu’une (1) seule taxe d’améliorations locales. Si des travaux sont réalisés sur chacune de leurs rues, les propriétaires sont donc exemptés de la deuxième taxe d’améliorations locales.

Dans ce dossier, le citoyen n’a pas bénéficié de cette exemption. Pendant 15 ans, il a été facturé par erreur une deuxième taxe d’améliorations locales d’environ 1 000 $ par année, pour les travaux réalisés sur sa deuxième rue.

Remboursement initial

En 2014, la Ville constate cette erreur. Elle en informe rapidement le citoyen et lui fait parvenir le remboursement des montants payés erronément, mais seulement pour les trois dernières années.

Avis juridique à l’appui, le Service des finances soutient que le « délai de prescription[i] » de trois ans qui est prévu au Code civil du Québec s’applique séparément, à l’égard de chaque compte annuel payé par le citoyen. Le citoyen n’aurait donc plus droit au remboursement des montants payés pour les années 2000 à 2011.

Plainte du citoyen

Le citoyen trouve la situation injuste et veut être remboursé intégralement. Il soumet que pendant toutes ces années, il n’avait aucun moyen de savoir que l’imposition de cette taxe était une erreur.

Il sollicite notre intervention. Il dépose également un recours judiciaire, afin de protéger ses droits.

Analyse juridique de l’OdM

Pour décider de l’opportunité et des limites de son intervention, dans ce dossier, notre bureau doit bien comprendre l’état du droit, sur la situation litigieuse. Nous effectuons donc une recherche juridique poussée.

La décision de la Ville s’appuie sur un courant jurisprudentiel qui avait été confirmé par la Cour Suprême du Canada, en 1984[ii]. La Cour avait alors décidé que pour les réclamations en remboursement de taxes, le délai de prescription commence à courir dès le moment du paiement du compte.

Notre recherche démontre, cependant, que l’état du droit a évolué depuis. Plusieurs jugements plus récents[iii] adoptent plutôt une interprétation favorable au remboursement intégral des montants payés, lorsque le citoyen ne pouvait pas connaître l’erreur dans son compte ou sa facturation.

Conclusions de l’OdM

Il ne fait aucun doute que l’erreur de la Ville a été commise de bonne foi. Mais le citoyen n’avait aucun moyen raisonnable de savoir qu’il était facturé erronément.

La disposition qui l’exempte de cette deuxième taxe n’est pas prévue dans un règlement, mais plutôt dans une Résolution du Conseil municipal. On ne peut donc pas conclure, comme pour les textes de loi, que les citoyens sont présumés connaître le texte des Résolutions municipales.

Dans ce dossier particulier, l’OdM est d’avis que, pour chacune des factures erronées, le délai de prescription n’a commencé à courir qu’à la date où le citoyen a eu connaissance de l’erreur, en 2014.

Quant à l’autre critère important, c’est-à-dire l’impact sur la stabilité des finances de la Ville, le Service des finances confirme que la situation de ce citoyen est exceptionnelle. La stabilité des finances municipales n’est donc pas en péril.

Dénouement positif

L’OdM transmet son analyse et un argumentaire détaillé au Service des finances et l’invite à reconsidérer sa position. Peu après, le Service des finances confirme qu’il remboursera au citoyen toutes les taxes facturées par erreur, avec intérêts, soit près de 27 000 $.

[i] PRESCRIPTION : délai prévu par la loi pour pouvoir intenter un recours judiciaire, devant les tribunaux. Lorsque le délai de prescription prévu par la loi est échu, le droit de la personne de réclamer en justice n’existe plus.

[ii]  Abel Skiver Farm Corp. c. Ville de Sainte-Foy, [1983] 1 R.C.S. 403

[iii] Depuis Marcotte c. Longueuil, [2009] 3 R.C.S. 65

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Mise en garde : Ce résumé de dossier n’est pas et ne doit pas être interprété comme une opinion juridique.