Réclamation monétaire contre la Ville : quelques informations pratiques!

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Vous pensez avoir subi un dommage en raison de la faute ou de la négligence d’un employé ou d’un mandataire de la Ville? Vous pourriez avoir droit à une compensation monétaire. Il y a, cependant, des règles à respecter. En voici un aperçu.

Ce billet expose les règles généralement applicables et ne constitue pas un avis juridique. Il est toujours recommandé d’obtenir des conseils juridiques d’une personne qualifiée pour connaître les règles qui s’appliquent à votre situation particulière.

Dommages matériels

Les dommages matériels sont des dommages causés à un bien mobilier (automobile, clôture, arbre…) ou à un bien immobilier (maison, terrain…).

Dommages corporels

Il y a « dommage corporel » lorsque la santé ou l’intégrité physique ou mentale d’une personne a été atteinte.

Fondement du droit à une compensation

Le seul fait d’avoir subi un dommage à vos biens ou de vous être blessé ne vous donne pas automatiquement droit à une compensation. Vous devez démontrer qu’il y a eu une faute ou une négligence de la part de la Ville et que c’est ce qui a causé votre dommage.

En effet, quelle que soit la nature de ses dommages, le citoyen doit faire la preuve de trois éléments, pour avoir le droit d’être indemnisé : 1) la négligence ou la faute; 2) les dommages subis; et 3) le fait que ces dommages résultent de cette négligence ou de cette faute (lien de causalité).

Dans les cas de dommages résultant d’un accident survenu en raison de la neige ou de la glace, sur les trottoirs, rues, chemins, voies piétonnières ou cyclables, la loi prévoit que pour avoir le droit d’être indemnisée, la personne doit établir la négligence ou la faute de la Ville dans un contexte où le tribunal tiendra compte des conditions climatiques (article 587 (7) de la Loi sur les cités et villes).

 

Bureau des réclamations

Toutes les réclamations monétaires contre la Ville de Montréal (incluant les 19 arrondissements, le Service de police et le Service de sécurité incendie) sont traitées par son Bureau des réclamations.

Le Bureau des réclamations analyse la demande et fait généralement une enquête. Il informe ensuite le citoyen de sa décision d’accepter ou de refuser la réclamation.

À moins qu’il ne s’agisse d’une réclamation liée à l’exercice d’une compétence propre à l’agglomération, ce bureau ne traite pas les réclamations contre les villes liées de l’agglomération de Montréal qui se sont défusionnées (Baie-D’Urfé, Beaconsfield, Côte-Saint-Luc, Dollard-des-Ormeaux, Dorval, Hamsptead, Kirkland, Île-Dorval, Montréal-Est, Mont-Royal, Pointe-Claire, Sainte-Anne-de-Bellevue, Senneville et Westmount).

 

Soumettre une réclamation

Le citoyen doit soumettre sa réclamation par écrit, au Bureau des réclamations de la Ville de Montréal.

Avis de réclamation

Le réclamant peut écrire une simple lettre ou remplir le formulaire prévu. Ce formulaire est disponible dans les différents points de service aux citoyens (bureaux Accès Montréal ou bureaux d’arrondissements), au Bureau des réclamations ou sur le site Internet de la Ville de Montréal (Avis de réclamation ou  Notice of claim).

L’avis peut être :

  • complété et déposé sur place dans les points de service aux citoyens ou au Bureau des réclamations (adresse indiquée plus bas);
  • transmis par la poste au Bureau des réclamations :

Service des affaires juridiques
Bureau des réclamations
Place Versailles
7275, rue Sherbrooke Est
Bureau 2201b
Montréal (Qc) H1N 1E9
Téléphone : 514 872-2977

  • transmis par télécopieur au Bureau des réclamations  au 514 872-6082; ou
  • transmis par courriel à  [email protected]

L’avis doit préciser :

  • les nom et prénom de la personne qui réclame compensation;
  • ses coordonnées (adresse, n° de téléphone);
  • la nature du dommage et le détail de la réclamation;
  • la date et l’endroit où le dommage est survenu; et
  • les motifs pour lesquels la Ville serait responsable.

Délai pour soumettre l’avis de réclamation

Pour des dommages matériels : l’avis doit être transmis au Bureau de réclamations dans les 15 jours de calendrier suivant la date de l’événement.

Si ce délai n’est pas respecté, le citoyen perd son droit de poursuite.

Le citoyen qui n’a pas respecté ce délai peut toutefois soumettre une requête au tribunal, motifs à l’appui, pour demander d’être relevé du défaut d’avoir respecté ce délai. Si le tribunal accepte cette demande, le citoyen retrouvera son droit de poursuite contre la Ville.

Pour des dommages corporels : il n’y a pas d’obligation de transmettre une réclamation écrite dans ce délai de 15 jours. Il est tout de même recommandé de soumettre sa réclamation le plus rapidement possible. Le passage du temps peut, en effet, rendre plus difficile la preuve des circonstances de l’événement et, de ce fait, de la responsabilité de la Ville.

 

Recours devant les tribunaux

Délai pour intenter un recours

La loi prévoit un délai maximum pour pouvoir exercer un recours judiciaire en dommages contre une Ville. On appelle ce délai le « délai de prescription ».

Si le recours judiciaire n’est pas intenté dans ce délai, le citoyen perd son droit de poursuite.

Les démarches effectuées auprès du Bureau des réclamations n’ont pas pour effet de suspendre ou d’allonger le délai de prescription applicable au droit de poursuite judiciaire. Il faut donc faire preuve de diligence.

Le délai de prescription est différent, selon qu’il s’agisse de dommages corporels ou de dommages matériels.

  • Pour des dommages matériels, le délai maximum de poursuite est de six (6) mois.
  • Pour des dommages corporels, le délai maximum de poursuite est de trois (3) ans.

Tribunaux compétents

Règle générale, c’est le montant réclamé qui détermine quel tribunal a compétence pour entendre votre cause.

  • Jusqu’à concurrence de 15 000$, excluant les intérêts, il faut loger votre recours à la Division des petites créances de la Cour du Québec. La procédure y est très simple et les frais sont minimes : vous n’aurez pas besoin d’un avocat.
  • Si la réclamation excède 15 000$, mais est inférieure à 75 000$, votre recours devra être intenté devant la Chambre civile de la Cour du Québec.
  • Si votre réclamation atteint ou excède 75 000 $, tout en étant inférieure à 100 000$, il y a une compétence concurrente entre la Cour du Québec et la Cour supérieure. Le choix appartient au demandeur, mais les règles de procédure et les délais peuvent varier. Si la réclamation est de 100 000$ et plus, il faut s’adresser à la Cour supérieure.

 

Quelques règles particulières à connaître

Certains textes de lois prévoient des règles spéciales applicables dans certains types de situations à l’origine du dommage.

Inondation (articles 256 et 257 de la Charte de la Ville de Montréal)

Le citoyen doit conserver les biens mobiliers ou immobiliers faisant l’objet sa réclamation; la loi prévoit que la ville a le droit de les faire examiner, par ses enquêteurs ou ses experts, en tout temps avant l’institution d’une action, entre 09h00 et 18h00. À défaut de permettre cet examen, le réclamant ne peut pas exercer son recours.

Lorsque la réclamation concerne des biens périssables, le réclamant doit aviser la Ville, par lettre recommandée, que ces biens périssables endommagés seront disponibles pour examen, pendant les soixante-douze heures suivantes. Le réclamant ne doit pas disposer de ces biens avant l’expiration de ce délai, sans excuse raisonnable : sinon, il perd son droit de poursuivre.

En principe, si un immeuble endommagé par une inondation a été construit après le 28 avril 1939, le recours en dommages-intérêts contre la Ville n’est possible que si le demandeur démontre qu’au moment de l’inondation, il y avait une soupape de sûreté (clapet) en bon état de fonctionnement destinée à prévenir le refoulement des eaux d’égout. Selon une certaine jurisprudence, toutefois, un recours contre la Ville ne serait pas impossible si le citoyen peut prouver que l’absence de clapet n’est pas la cause de l’inondation.

Dommages à votre véhicule à la suite d’une collision avec un véhicule de la Ville (ex. chasse-neige) ou d’un événement impliquant la Ville

Peu importe que votre véhicule ait été en mouvement ou stationné, vous devez normalement vous adresser à votre compagnie d’assurances pour être indemnisé, conformément à la Convention d’indemnisation directe pour le règlement des sinistres automobiles (art. 116 de la Loi sur l’assurance automobile du Québec).

Toutefois, cette convention est d’interprétation stricte ; selon certains jugements, il ne serait pas impossible que la Ville puisse être trouvée responsable si, par exemple, l’accident n’est pas lié à la faute d’un autre automobiliste, mais à la négligence de la Ville (ex. feu de circulation non fonctionnel) ou si le réclamant n’est pas couvert pour ses propres dommages.

Dommages causés par la présence d’un objet sur la chaussée ou  en raison de l’état de la chaussée (Loi sur les cités et villes)

La loi exonère spécifiquement les municipalités de toute responsabilité dans plusieurs circonstances.

La ville n’est pas responsable des dommages causés en raison de la présence d’un objet sur la chaussée ou sur une voie piétonnière ou cyclable (article 604.1, alinéa 1).

  • On vise ici tout objet étranger se trouvant sur la chaussée.
  • La notion de « chaussée » inclut les rues, les ruelles et les trottoirs.
  • Cette exonération vise les automobiles, les motocyclettes et les bicyclettes (dommages matériels).
  • Les dommages peuvent être causés à un conducteur de véhicule ou un piéton.

 

La ville n’est pas non plus responsable des dommages causés par l’état de la chaussée ou de la voie cyclable aux pneus ou au système de suspension d’un véhicule (article 604.1, alinéa 2).

  • Il demeure possible de soumettre une réclamation pour les dommages causés à d’autres pièces du véhicule (carrosserie, roue, peinture, pare-chocs…).
  • L’article n’exclut pas non plus les recours pour dommages corporels.
  • L’expression « état de la chaussée » inclut les nids-de-poule, de même que les couvercles de puisard et les trous d’homme surélevés.

 

Ces exonérations sont généralement interprétées de façon restrictive par les tribunaux. Malgré ces exonérations, certains juges ont été favorables aux demandeurs qui avaient été en mesure de prouver des lacunes importantes ou une négligence dans l’entretien de ces voies (ex. un couvercle d’égout mal replacé a été considéré comme une anomalie imprévisible).

Dommages à votre propriété à la suite d’une opération de déneigement

Une enquête est généralement faite par le Bureau des réclamations. Si le déneigement était effectué par des employés de la Ville, c’est la Ville qui vous indemnisera, si une faute est démontrée. Rappelons qu’en matière de déneigement et de déglaçage la Ville a une obligation de moyens et non de résultats.

Si c’est un entrepreneur qui effectuait le déneigement pour la Ville, le Bureau des réclamations dirigera généralement la réclamation vers l’entrepreneur et son assureur, en vertu de l’exonération de responsabilité dont bénéficie la Ville (article 604.3 de la Loi sur les cités et villes). L’entrepreneur et son assureur traiteront la réclamation et décideront de vous indemniser ou non.

Notons toutefois que, même lorsque le déneigement a été confié à un entrepreneur, la responsabilité de la Ville pourrait être engagée si une faute lourde a été commise. La Ville pourrait également être responsable en raison des autorisations et des directives qu’elle aurait données.

Dommage à votre automobile à la suite d’un remorquage

Le Bureau des réclamations transmet généralement ce type de réclamation à la compagnie de remorquage et à son assureur qui traiteront la demande et, le cas échéant, indemniseront le citoyen. Si un recours légal devient nécessaire, il devrait, en principe, être logé contre la compagnie de remorquage et son assureur.